III Les dangers du son

L'objectif de ce travail était donc de comprendre et d'expliquer comment un son pouvait parvenir à endommager l'oreille et quelles en étaient ses conséquences. Pour cela nous avons étudié le son proprement dit, puis l'appareil auditif, notre oreille. Nous allons maintenant répondre a notre problématique.

1) Comment un son peut-il parvenir à endommager l'oreille ?

Tout d'abord, il est évident que tous les sons n'endommagent pas l'oreille. La capacité auditive peut être réduite par d'autres facteurs que le son, comme par des maladies spécifiques par exemple. On ne traitera cependant que le cas des handicaps auditifs causés par une exposition au son.

Le bruit peut endommager l'acuité auditive de diverses façons. On distingue 4 types de dommages différents :

On s'est donc demandé quels étaient les paramètres qui influaient sur la dangerosité du son. On montre que 4 paramètres, en relation directe avec la nature ondulatoire du son sont liés avec les risques de dommages de l'appareil auditif.

Un son est d'autant plus dangereux :

Nous allons donc expliquer pourquoi.

•  L'intensité du son et sa durée :

La force du son, le niveau sonore se mesure en dB comme nous l'avons dit précédemment. Il correspond au volume du son. Ce niveau acoustique représente une mesure du déplacement des molécules d'air. Ainsi, plus les molécules d'air frappent avec force la membrane de l'oreille, plus le tympan oscillera de manière importante, et transmettra à chaîne des osselets cette vibration conséquente. Celle-ci sera communiquée à son tour au liquide se trouvant à l'intérieur de la cochlée par le biais de la membrane de la fenêtre ovale. Les cellules de Corti capteront alors les mouvements de l'endolymphe, mais ces mouvements dans le cas d'un bruit trop intense auront pour conséquence de froisser ou de casser les cellules cillées. Ces récepteurs indispensables à la perception des sons, une fois endommagés ne fonctionneraient alors plus et entraîneraient une baisse de l'audition néanmoins temporaire. Ces cellules peuvent tenter de se remettre en place ou de se réparer et si c'est une réussite, dans ce cas, le patient retrouvera son audition maximale au bout d'un certain temps (le plus souvent en quelques heures, 2 jours au maximum). En revanche, si elles sont à nouveau soumises à des sons, qui peuvent même être moins intenses, ces cellules risquent alors d'être définitivement détruites, et entraîneront une perte de l'acuité auditive permanente, tout en sachant que ces cellules nerveuses tout comme les neurones ne se régénèrent pas.

Le facteur temps, le temps d'exposition est évidemment impliqué et il est évident, plus l'on s'expose longtemps, plus l'on risque d'endommager gravement les cellules de Corti, tout d'abord à cause d'un son qui peut être élevé, comme cela expliqué précédemment, mais surtout en ne laissant pas de temps aux cellules de Corti pour se réparer. Soumises trop longtemps à des bruits, même de niveau sonore inférieurs elles risquent d'être endommagées, puis définitivement détruites. Enfin, les sons d'intensité extrême, au delà de 160 dB, comme une explosion, peuvent littéralement percer la membrane du tympan, ou luxer un des os de la chaîne des osselets, ce qui provoque la surdité totale, immédiate et irréversible.

Des calculs permettent d'estimer le risque de perte auditive. Voici ce qu'ils donnent :

Exposition sonore :

Le risque :

Exposition quotidienne au bruit inférieure à 85 dB

Risque minimum

Exposition à long terme supérieure à 85 dB

Le risque s'accroît rapidement

Aux alentours de 160 dB les tympans éclatent.

•  Fréquence :

En fonction de la fréquence des sons en hertz, on distingue des hauteurs de son, allant des graves (100Hz) aux aigus (4000 à 8000Hz). Plus un son est aigu plus il susceptible d'être nocif pour l'individu. Ceci est lié au phénomène physique bien connu de la résonance. Un système vibratoire possède généralement une fréquence de vibration dite propre, correspondant à son mode d'oscillation libre. En présence d'une excitation extérieure, ce système entre en vibration à la fréquence imposée par l'extérieur. Mais l'amplitude dépend fortement de la fréquence ; elle est maximale lorsque la fréquence imposée est égale à la fréquence propre du système : on dit alors qu'il y a résonance. Ce phénomène est essentiel puisqu'il permet l'amplification de certaines vibrations, il est important puisqu'il peut également entraîner, lorsqu'il n'est pas contrôlé, la détérioration du système. Nous avons tous vu l'exemple du pont de béton qui se met a osciller de plus en plus puis qui s'effondre, sous l'effet vibratoire périodique du vent ou bien alors qui se met à onduler sous les pas d'un défilé militaire. Nous connaissons aussi l'exemple du verre de cristal qui se brise sous l'effet d'un son aigu.

Télécharger la vidéo du verre de cristal

Télécharger la vidéo du pont Taoma Narrow

Le tympan sous l'effet d'un son aigu peut alors se comporter comme le pont Taoma Narrow, et l'amplification du signal sonore par le tympan sous l'effet de la résonance augmentera de manière effective la puissance du signal mécanique transmis à la chaîne d'osselets, ce qui revient au cas 1), où le niveau sonore est plus élevé.

•  L'impulsion

On a également constaté qu'un son dit impulsionnel est plus dangereux qu'un bruit continu.

- En effet, ceci s'explique de part la constitution de l'appareil auditif. Le tympan, semblable à la peau d'un tambour vibre sous l'influence des ondes sonores. Cependant, celui-ci est retenu par des muscles capables de réagir pour protéger le tympan. Lorsqu'un son est produit en continu, ces muscles peuvent adapter leur tension pour que le tympan subisse moins d'efforts, les muscles servent en quelque sorte d'amortisseurs.

- Lorsque le son est produit par à coups, ces muscles ne sont plus capables d'adapter leur tension, a cause du temps de réaction et du fait qu'un son produit par à coups est trop bref pour être appréhendé par ces muscles. Le tympan régi donc sans amortissement au son et transmet une énergie plus importante au reste de l'oreille que s'il avait été amorti. Ceci revient encore aux cellules cillées, qui seront plus vulnérables.

L'oreille est donc un organe très sensible, en particulier pour les cellules de Corti, mais très important qu'il faut préserver à tout prix. Cependant, cela n'est pas se que l'on constate et les statistiques effectuées pour le moment sont pour le moins effrayantes. Nous allons donc finir en généralisant sur les conséquences diverses de la baisse d'audition causée par les bruits.

2) Conséquences

Depuis bientôt trente ans, les chercheurs constatent un vieillissement prématuré de l'audition des populations des pays développés. Le responsable : le bruit, qui est devenu au cours du temps un véritable danger. Ce phénomène est tout autant imputable au vieillissement physiologique qu'aux agressions sonores communes à nos sociétés. L'industrialisation, le développement des moyens de transport, l'exode urbain, et l'apparition des musiques électroniquement amplifiées, semblent être les causes premières du phénomène qui touche surtout la jeunesse. Le nombre d'élèves de terminale atteint de lésion auditive plus ou moins grave est passé de 10 à 22 %, entre 1982 et 1992, ce qui est relativement inquiétant si cela continue ainsi ! Le développement des nuisances sonores est un phénomène d'autant plus inquiétant que ses effets pour la santé sont discrets. Lorsque les personnes ressentent une surdité manifeste, il est souvent trop tard et les conséquences sont irréversibles. Depuis une dizaine d'années, les autorités sanitaires et les pouvoirs publics ont pris conscience du grave problème de santé publique posé par les nuisances sonores et se sont engagés dans une lutte qui passe avant tout par la prévention et l'éducation des populations.

Le monde du travail :

Les bruits du travail ont été les premiers à faire l'objet de mesures de prévention et la surdité professionnelle est reconnue comme telle depuis 1968.

Un salarié sur quatre est exposé à des nuisances sonores pendant son travail, et 13 % subissent un bruit supérieur à 85 décibels.

59 % d'entre eux disposent de moyens de protections auditives mais selon les médecins du travail, les trois quart risquent de développer une pathologie.

Les moyens de transport :

Que ce soit le rail, la route, et plus encore les aéroports, les moyens et les voies de communication moderne sont sources de nombreuses nuisances sonores.

Peu d'entre nous ne sont pas exposés aux bruits. N'oublions pas que près de 80 % de la population française réside en milieu urbain.

200 000 logements sont concernés par les nuisances sonores émises par les réseaux routiers et ferrés.

Les nuisances sonores quotidiennes :

Si l'intensité des bruits quotidiens n'est pas toujours élevée, le caractère invasif des bruits les rend intolérables. On touche ici davantage à la dimension psychoaffective des bruits qu'à leur intensité physique.

Ainsi dans les 200 plus grandes villes de France, 30 % des plaintes sont dues aux aboiements !

Depuis la loi bruit de 1992, gêner ses voisins en faisant du bruit peut coûter cher. L'article R. 48-2 du code de la santé publique prévoit une contravention de 3ème classe (jusqu'à 450 euros) pour punir l'auteur de nuisances sonores, même si le bruit ne gêne qu'une seule personne.

Les effets non auditifs du bruit :

Outre la perte d'audition, il a été démontré que le bruit modifie des fonctions neurophysiologiques de l'organisme par un effet de stress. Les systèmes cardiovasculaire, neuroendocrinien, respiratoire, digestif, oculaire, et surtout le sommeil et l'humeur, sont affectés par les nuisances sonores.
Cependant, les expériences sur ces effets ont eu lieu sur des durées trop courtes pour démontrer leur gravité et leur impact pathologique à long terme.

Toutefois certaines recherches montrent que les taux de consommation en médicaments (traitement contre l'hypertension artérielle notamment), et de consultations médicales sont beaucoup plus élevés dans les zones bruyantes (aéroport) qu'en zones calmes.

Sans surprise, le sommeil est l'une des activités les plus perturbées par le bruit. Comme les troubles du sommeil sont répandus et existent indépendamment du bruit, il est parfois difficile de savoir si la nuisance sonore est un bouc émissaire ou la cause de l'insomnie. Des chercheurs ont pu montrer que le bruit modifie la structure du sommeil et allonge l'endormissement. Si certains dormeurs s'habituent aux bruits nocturnes, les études tendent à prouver que cette adaptation ne diminue en rien les effets négatifs du bruit. On peut souffrir du bruit sans le savoir.

La jeunesse première victime :

« Un jeune sur cinq est atteint d'une déficience auditive dont l'excès de musique en est probablement à l'origine », estime le conseil national du bruit qui se préoccupe de cette situation. Non seulement les jeunes sont exposés aux même nuisances que la population, mais de surcroît leurs loisirs sont plus bruyants. En ces occasions les doses de bruit reçues dépassent souvent les normes fixées pour le travail. Une étude de 1991 sur un régiment d'appelés constatait que seuls 56 % d'entre eux avait une audition normale. La diminution constatée correspond à celle d'une population âgée de 25 ans exposée durant 5 ans à un bruit quotidien de 90 dB, 8 heures durant.

L'écoute solitaire avec un baladeur, si elle ne constitue pas une nuisance pour l'entourage, reste néanmoins dangereuse pour l'utilisateur. Selon une étude du Pr Buffe qui a comparé deux groupes d'utilisateurs et de non-utilisateurs de baladeur : 26 % des utilisateurs souffraient d'hypoacousie de perception contre 7 % dans le groupe témoin. Une autre étude a montré que les personnes ayant souffert d'otite moyenne aiguë dans leur enfance, sont plus susceptibles d'avoir une perte d'audition significative due à l'utilisation du baladeur. Si à elle seule, la musique amplifiée (baladeurs, concerts, discothèques) ne constitue pas uniquement et directement la cause de la détérioration de l'audition chez les populations jeunes, elle y participe activement.